Bolkestein, le représentant de Shell

Le 5 juin, nous allons manifester avec les syndicats et les mouvements sociaux et, sans doute, avec les dirigeants des partis socialistes, contre l’antisociale directive Bolkestein. Qui est cet homme qui, aujourd’hui, pour Elio Di Rupo et les autres ténors socialistes, est la réincarnation du diable ? Et pourquoi les amis socialistes d’Elio et de Mia De Vits au sein de la Commission européenne n’ont-ils pu empêcher cette directive ?
Herwig Lerouge
26-05-2004

La biographie officielle du commissaire européen hollandais Bolkestein mentionne que, de 1960 à 1976, notre homme a travaillé pour Shell. Après quoi, il est entré en politique pour devenir, en 1978, député VVD (libéral). L’encyclopédie Wikipedia a une explication toute prête, pour ce changement : « Sa carrière chez Shell n’a pas été un succès et il a quitté l’entreprise en 1975 avec une prime substantielle. »1 Shell avait-il eu besoin de seize ans pour se rendre compte de l’incompétence du bonhomme ? Bien sûr que c’est invraisemblable !

Shell veut modifier le climat politique

En décembre dernier, l’émission de TV hollandaise sortait l’histoire vraie que voici : « Dans les années 70, le monde hollandais des entreprises a délégué ses représentants au monde politique afin d’exercer une influence sur le climat politique. Frits Bolkestein, Rudolf de Korte et Hans van den Broek, ont été parachutés à La Haye respectivement par Shell, Unilever et Akzo. » C’est l’ancien patron d’Akzo, G. Krayenhoff, qui le dit. « L’évolution des choses sous (le socialiste) Den Uyl causait du souci au monde des entreprises. »2 Krayenhoff prétend que les trois multinationales ont convenu en toute connaissance de cause de déléguer chacune l’un de leurs hommes de talent à La Haye. Dans le second cabinet Lubbers, les entrepreneurs « détachés » de Korte et van den Broek siégeaient respectivement aux Affaires économiques et aux Affaires étrangères, tandis que Bolkestein devenait ministre de la Défense. Ceux qui ont encore des doutes à propos des véritables maîtres de la Commission européenne et de l’unification de l’Europe doivent donc lire les biographies de Bolkestein et van den Broek.

Ils étaient tous aux toilettes ?

Le 1er mai, le président du PS, Di Rupo, s’en prenait vertement à Bolkestein et à sa directive. D’après Di Rupo, l’homme veut « supprimer tous les obstacles qui entraveraient la libéralisation des activités de services dans l’Union européenne. (...) La santé, l’audiovisuel, la culture, l’éducation mais aussi l’aide aux personnes ou l’accueil des personnes handicapées devraient être soumises aux lois du marché. »3 Et c’est à juste titre qu’il met en garde : « Cela signifierait la fin de nos mutuelles, de notre système de soins de santé au profit d’assurances privées, idem pour les pensions ou les services d’aide aux personnes handicapées.(...) Nous ne pourrions plus contrôler les conditions de travail des personnes qui opèrent chez nous, tout en ayant un contrat avec une entreprise établie dans autre Etat. (...) Le dumping social deviendrait la règle. Pour le PS, c’est tout simplement inacceptable. » Conclusion : Si vous voulez arrêter Bolkestein, votez PS ou SP.a. Mais il y a un petit problème. La directive a bel et bien été approuvée par l’ensemble de la Commission européenne. Et celle-ci est composée pour moitié de socialistes et de verts !4 Parmi ceux-ci, le propre prédécesseur de Di Rupo, Busquin. Où étaient donc passés les socialistes lorsqu’on a voté la directive ? Aux toilettes ? Que vaut une voix pour les partis socialistes si, durant les élections, ceux-ci disent non pour ensuite voter oui ? Nous avons tous déjà vu cela. Aujourd’hui, les Di Rupo, Vande Lanotte, Daerden et Coeme critiquent l’Europe néo-libérale des privatisations. Mais les mesures qui ont débouché sur la privatisation des télécommunications, des compagnies aériennes, de l’énergie, des banques publiques, des postes et du rail ont été prises par des conseils des ministres européens au sein desquels les socialistes étaient majoritaires.

Ce que propose Bolkestein figure quasi textuellement dans le projet de constitution européenne. L’article 3 dit que la politique économique est « conforme au respect du principe d’une économie de marché où prévaut la libre concurrence ». A propos des services publics, il est dit dans la troisième partie qu’ils sont admis lorsqu’ils acceptent les règles de la libre concurrence. Les articles 69 et 73 le confirment : la concurrence ne peut en aucune manière être falsifiée. Et qui a approuvé ce projet de constitution ? Précisément Di Rupo et Stevaert.

Nous devons contrer à tout prix Bolkestein. Mais battons-nous, dans ce cas, pour des revendications claires : un salaire européen minimal et des CCT européennes pour tous, de sorte qu’ils ne puissent dresser un travailleur polonais contre son collègue belge. A la poubelle, ce projet de constitution ! Le PTB va en faire l’un de ses chevaux de bataille, après les élections. Quand les amis politiques de Di Rupo seront déjà retournés aux côtés de Bolkenstein. 1 http://nl.wikipedia.org/wiki/Frits_Bolkestein · 2 http://www.globalinfo.nl/article/articleview/272/1/3 · 3 www.ps.be/index.cfm?Content_ID=5963408&R_ID=1035 · 4 Neil Kinnock (GB), Philippe Busquin (Belgique), Günther Verheugen et Michaela Schreyer (Allemagne), Pascal Lamy (France), Erkki Likkanen (Finlande), Poul Nielsen (Danemark), Margot Wallström (Suède), Antonio Vilorme (Portugal) et Joaquin Almine (Espagne). > Manifestation contre la directive Bolkestein • La Commission européenne solde les droits sociaux