60.000 voix crient "Non à l’Europe Bolkestein" à Bruxelles

BRUXELLES (AFP) 21h43 - "Non à l’Europe Bolkestein !". Quelque 60.000 Belges, Allemands, Français, Néerlandais, Polonais et autres ont défilé samedi à Bruxelles à l’appel de la Confédération européenne des syndicats (CES) pour une Europe synonyme d’emplois et refusant tout "dumping social".
"Plus d’emplois et de meilleure qualité, défense de l’Europe sociale, stop Bolkestein !", clamait une banderole brandie par John Monks, secrétaire général de la CES, entouré de leaders syndicaux tels que Mickaël Summer (DGB, Allemagne), José Fidalgo (CCOO, Espagne) et François Chérèque (CFDT, France).

"Nous voulons envoyer un message fort aux chefs d’Etat qui se réunissent ici la semaine prochaine", a affirmé M. Monks à l’AFP, chiffrant les manifestants à "au moins" 50.000. "Nous voulons qu’ils s’attaquent véritablement au chômage et qu’ils mettent un coup d’arrêt à la directive Bolkestein".
La directive sur les services, élaborée par l’ancien commissaire européen au Marché intérieur, le Néerlandais Frits Bolkestein, était la principale cible des slogans scandés samedi, comme "Nuit gravement à l’Europe sociale".

Le projet, dénoncé par la gauche et les syndicats européens ainsi que par plusieurs Etats membres de l’Union européenne (France, Allemagne, Belgique et Suède notamment), vise à libéraliser les échanges de services en Europe, au prix, selon les syndicats, d’un nivellement vers le bas des standards sociaux.

Après avoir promis une remise à plat de cette directive, le président de la Commission, José Manuel Durao Barroso, a crispé les syndicats en affirmant qu’il n’était pas question d’abandonner sa disposition la plus controversée, le "principe du pays d’origine".

Ce principe permet à un prestataire de services d’opérer à travers l’UE en appliquant la loi de son propre pays.

Outre le retrait de cette directive, la CES a pour objectif de voir l’emploi et la "protection des droits sociaux fondamentaux" érigés en priorités, à la veille du sommet européen de printemps.

La rencontre des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, mardi et mercredi prochains à Bruxelles, doit sonner la relance de la stratégie de Lisbonne, visant à redynamiser l’économie européenne.

Dans le cortège bariolé, mêlant les bannières de plusieurs dizaines de syndicats d’Europe - la FGTB belge, le DGB et l’IG Metall allemands, la CGT, CFDT et CFTC françaises, la CGIL italienne, le polonais Solidarnosc, etc - fleurissaient aussi les slogans prônant la défense des services publics.

"Dans un marché où les services sont libéralisés, nous sommes une anomalie, nous, les services publics", affirmait Bernard Soula, brancardier CGT venu, comme nombre de salariés des transports ou de la santé, clamer son attachement à la législation sociale et aux services publics en Europe.

"En Italie, on combat déjà la politique libérale de Berlusconi, on ne veut pas d’une directive qui étende cette politique à l’échelle de l’Europe", dénonçait de son côté Sergio Sinchetto (CGIL).

"L’Union européenne, ce n’est pas seulement le capitalisme, ce sont aussi les travailleurs, c’est aussi 19 millions de chômeurs", soulignait une banderole brandie par des Slovènes, vêtus pour certains en costume traditionnel, peau de mouton et cloches à la ceinture.

La Constitution européenne, dont la ratification fait l’objet d’un référendum dans une dizaine de pays, n’a pas été évoquée, selon le souhait de la CES qui soutient le traité.

Seuls quelques trublions de la CGT avaient confectionné des banderoles dissidentes : "Non à l’Europe antisociale, je vote NON !".

Le ton était aussi nettement anti-Constitution quelques dizaines de mètres plus loin, dans deux autres cortèges d’organisations non-gouvernementales et du Forum social européen, qui manifestaient le long du même itinéraire que la CES.