Bolkestein : satisfaction dans la "Vieille Europe", hostilité à l’Est

PARIS (AFP) - L’adoption d’un compromis jeudi sur la directive Bolkestein a été accueillie avec satisfaction en France, pays considéré comme faisant partie de la "Vieille Europe", et avec hostilité dans la "Nouvelle Europe", les pays d’Europe centrale et orientale les plus libéraux.
Le vote de compromis du Parlement européen (PE) laisse un goût amer aux partisans de la libéralisation des services : le résultat accorderait, selon eux, aux Etats de la "Vieille Europe" trop de marge pour ériger des barrières protectionnistes.

Le ton est critique chez les eurodéputés des nouveaux Etats membres appartenant au PPE (conservateurs), qui estiment que le compromis entre leur groupe et les socialistes du PSE s’est fait sur leur dos.
"Le texte adopté par le Parlement aujourd’hui (jeudi) a été privé de ses parties les plus fondamentales" ont regretté les eurodéputés conservateurs tchèques, estoniens, hongrois, lettons, lituaniens, polonais et slovaques.

Le principal parti d’opposition polonais, la Plateforme civique (PO - libérale) a sommé jeudi le gouvernement de Varsovie de présenter un projet d’action afin de bloquer la nouvelle mouture de la directive de libéralisation des services dans l’UE.
"C’est une mauvaise solution, très discriminatoire pour les sociétés polonaises de services", a déclaré Zbigniew Chlebowski, député national de la PO. "Nous demanderons au gouvernement de nous présenter un projet clair disant comment procéder pour changer cette directive".

"C’est un compromis des anciens pays de l’UE", a déploré une autre députée du même parti, Anna Zielinska-Glebocka.

"Le devoir de la Commission européenne est de garantir un vrai marché intérieur des services", a rappelé Ernest-Antoine Seillière (France), président de l’Unice (patronats européens).

Les autorités tchèques ont émis jeudi des réserves. "La République tchèque est satisfaite que la directive n’a pas été rejetée dans son ensemble, mais ne peut pas être satisfaite des modifications apportées par le PE, surtout le retrait du principe du pays d’origine", a déclaré le vice-ministre de l’Industrie et du Commerce Martin Tlapa.

En France, où la polémique sur la directive symbolisée par le fameux "plombier polonais" avait fait rage, les réactions officielles ont été en revanche positives.

La directive Bolkestein est enterrée et la France est satisfaite des modifications apportées par les députés européens au projet de libéralisation des services dans l’Union européenne, a déclaré la ministre française des Affaires européennes Catherine Colonna.

"Le projet approuvé à une très large majorité des députés européens est très proche de ce que la France souhaitait. Le principe du pays d’origine est abandonné, enterré," a-t-elle lancé. "Les services publics sont préservés, les secteurs sensibles comme la santé, les services sociaux, l’audiovisuel, sont exclus du champ d’aplication et le droit social applicable sera celui du pays d’accueil".

Le ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy a salué le vote du PE, qui a adopté un projet de libéralisation des services vidé de ses points les plus polémiques.

Le PE "vient, sans ambiguïté, de remettre sur la bonne voie la directive européenne permettant de développer les échanges de services en Europe, dans le respect des garanties offertes par notre droit national", a relevé M. Douste-Blazy, en soulignant que les eurodéputés avaient notamment "écarté à une très large majorité le principe du pays d’origine" (PPO).

Le Premier ministre français Dominique de Villepin a demandé à la Commission européenne de "pleinement prendre en compte l’avis du Parlement européen" pour la "future proposition sur les services qu’elle présentera au Conseil".

Pour le rapporteur du texte, la sociale-démocrate allemande Evelyne Gebhart, "c’est une victoire magnifique. Nous avons dit clairement non à une Europe du libre-échange et du libre marché, et oui à une Europe sociale".

Son homologue du PPE (conservateurs), le Britannique Malcom Harbour, s’est félicité au contraire de l’avènement d’une "nouvelle ère dans le développement du marché intérieur".