Le chômage au plus haut depuis cinq ans

Le mois dernier, le nombre de chômeurs d’emploi a fortement progressé de 0,7%, atteignant 2.461.600 personnes • Le taux de chômage est désormais de 10% de la population active •

(Liberation - 15:02)

L’objectif, qualifié de « réaliste » par Jean-Pierre Raffarin, et annoncé en novembre dernier, de faire baisser le nombre de chômeurs de 10% en 2005 semble de moins en moins réalisable. En janvier, le nombre de demandeurs d’emplois a augmenté de 17.400 personnes (+0,7%) en France. Cela porte le taux de chômage au sens du BIT à 10% de la population active, selon les statistiques du ministère du Travail, publiés vendredi matin.

Le chômage n’avait plus atteint la barre des 10% depuis le mois de février 2000 et ce sont désormais 2.461.600 personnes qui sont à la recherche d’un emploi dans le pays. Le nombre de demandeurs d’emploi de « catégorie 1+6 », qui prend en compte les personnes ayant effectué une activité occasionnelle ou réduite de plus de 78 heures dans le mois, est également en hausse de 0,4% sur un mois et de 2,8% sur un an.

Gagner en productivité plutôt qu’embaucher

Seule bonne nouvelle, le chômage des jeunes a diminué de 1,0% par rapport à décembre. Sur un an pourtant, il a progressé de 3,1% et les moins de 25 ans demeurent la population la plus touchée par le chômage, avec un taux atteignant 21,8%.

La performance de 2004 est particulièrement piteuse en matière d’emploi. Sur la même période, la croissance du PIB a été de 2,5%, ce qui est supérieur à la moyenne. En regard, les créations de postes ont été médiocres : 40.000 environ dans le privé. Car les entreprises ont préféré reconstituer leurs marges, gagner en productivité plutôt que d’embaucher. « Cela est dû à la persistance des incertitudes de l’environnement mondial, avec des cours du pétrole élevés et un euro cher face au dollar », résume Laure Maillard, d’IXIS Corporate and Investment Bank. La baisse de l’emploi public (-20.000, notamment par l’extinction des emplois jeunes) a encore accentué le phénomène.

Optimisme gouvernemental

La hausse du chômage est un mauvais point pour le gouvernement. Faisant fi du dollar faible et du pétrole élevé, le Premier ministre s’était en effet engagé mi-janvier à faire baisser le taux de chômage « d’environ un point » par an à compter de 2005, le ramenant ainsi à 9% dès cette année, en s’appuyant principalement sur le plan de cohésion sociale et ses dispositifs antichômage comme la réforme de l’apprentissage, les emplois Fillon et le reclassement des RMistes. Le gouvernement comptait aussi sur les départs en retraite anticipées, permis par la loi Fillon de 2003. Ils visaient de 80.000 à 100.000 salariés âgés de moins de 60 ans et ayant cotisé plus de 42 années.

Sans reprendre à son compte l’objectif fixé par le chef de gouvernement, Jean-Louis Borloo, le ministre de la Cohésion sociale a averti dès jeudi que son plan « ne commencera pas à produire ses effets matériels avant le second semestre de cette année ». Les économistes de leur côté ont du mal à adhérer à l’optimisme gouvernemental : « En dépit de la vigueur de la consommation, du rebond de l’investissement fin 2004 ou encore de l’optimisme acharné du gouvernement, la France a été incapable de freiner le rouleau compresseur du chômage, note Marc Touati de Natexis Banque Populaire. Pis, dans la mesure où la croissance va ralentir en 2005, il apparaît désormais impossible de voir le nombre de chômeurs baisser de 10% cette année, comme promis par nos dirigeants... »

Avec une crainte supplémentaire : cette nouvelle dégradation du marché de l’emploi pourrait finir par enrayer la consommation, le principal moteur de la croissance qui a jusque-là très bien résisté. Ce cercle deviendrait vicieux et hypothèquerait un peu plus les objectifs en matière de chômage et de croissance.